« Je ne me souviens plus où j'étais, ni pourquoi j'y étais. Mais si je m'étais trouvée ailleurs, je ne serai sans doute plus là. La terre a tremblé sous mes pieds, et des murs sont tombés à quelques mètres de moi. La poussière qui en a émané m'a aveuglée, et j'ai seulement senti une main se glisser précipitamment dans la mienne et m'entraîner à travers les débris qui commençaient déjà à s'amasser. Je n'ai reconnu personne dans cette voix suppliante qui me priait d'avance, mais je lui ai obéis. Il - ou elle, d'ailleurs - m'a fait m'abriter dans un coin sûr, et il est parti se réfugier autre part, parce qu'il n'y avait pas assez de place pour deux à cet endroit-là. Et je ne sais pas comment, je ne sais pas pourquoi, mais je suis vivante. Je m'appelle Alice, je suis une jeune femme aux yeux bleus, avec des longs cheveux bruns et bouclés. Je portais un jean et un trench rouge le jour du séisme. Je vis à Bristol, j'étais à deux pas de l'Université au moment du séisme. Si vous êtes vivant, si vous êtes cette personne qui m'a sauvée... faites-moi signe. » ALICE E. | 9:01 PM | 11/02/16 | on earthquake-nine.com

Douze mois ont passé depuis le tremblement de terre qui a secoué toute la Grande-Bretagne, faisant des dizaines de milliers de morts. Des dizaines de milliers de vies gâchées, de familles brisées, de foyers détruits, de corps ensevelis. Et au milieu de tout ça, certains ont cherché à partager leur malheur, leurs souvenirs, leurs expériences. D'autres voulaient simplement retrouver des personnes qui auraient partagé leur calvaire sans qu'ils ne se soient jamais croisés auparavant, retrouver un regard qu'ils auraient croisé, qui les aurait réconforté, alors qu'ils pensaient voir venir la fin du monde. earthquake-nine.com a ouvert, et le petit réseau d'une cinquantaine de personne a fini par s'étendre au niveau national ; à ce jour, un an après l'un des séismes le plus puissants jamais enregistrés sur Terre, près de la moitié de la population du Royaume-Uni a témoigné sur ce site.

Les ruines laissées par le séisme sont peu à peu remises en état ; les cœurs brisés par des disparitions trop brutales sont peu à peu réparés. Au milieu d'un chaos qui commence doucement à se dissiper après une catastrophe qui n'a épargné personne, les survivants tentent de se reconstruire un semblant de vie, et se raccrochent aux derniers morceaux d'espoir et de vie qui leur restent. Mais ce n'est pas si simple : on ne se relève pas aussi facilement quand on est tombé de si haut.

« Je ne comprends pas. Pourquoi moi ? Pourquoi pas mon fiancé, pourquoi pas mon père, pourquoi pas ma sœur de cinq ans dont j'ai entendu le chant s'éteindre sous les décombres ? Je n'en peux plus ; je ne mérite pas plus qu'eux d'être ici. Ils devraient vivre. Donnez-moi une seule raison de vivre, alors qu'eux sont partis. » ELIZABETHA J. | 1:56 AM | 11/03/04 | on earthquake-nine.com

Alors voilà où nous en sommes. Parmi les humanitaires sacrifiant leurs vies pour en sauver d'autres, parmi ceux qui se démènent chaque jour pour reconstruire les villes, pour reloger les plus démunis, restent tout ces gens. Incapables de faire quoi que ce soit d'autres que se trouver une bonne raison de vivre, alors que ceux qu'ils aimaient sont partis ; que de chercher et de donner tout l'amour du monde, pour résister, encore et encore.